Fin 2013, cette courte animation en boucle (Gif animé) a amusé quelques milliers d’internautes car elle évoque irrésistiblement (pour qui possède la référence pop-culturelle requise) une chanson.
Rares sont les exemples de synesthésie aussi simples et accessibles, comme n’ont pas manqué de le souligner les hordes de Redditeurs rompus aux considérations «meta» :
http://www.reddit.com/r/gifs/comments/1ui2jf/hear_with_your_eyes/
http://www.reddit.com/r/woahdude/comments/251478/can_you_hear_it/
http://www.reddit.com/r/gifs/comments/2a4f2t/i_can_actually_hear_this_gif/
Évidemment, la chose s’adresse nécessairement à un public bien précis, ayant grandi à une époque où ladite chanson s’est imposée comme la tarte à la crème des publicités télévisuelles (Evian, Halo, Pepsi) et dont les forums Web et le gif animé sont le signe de ralliement par excellence. (Cette génération est notamment décrite dans la série télévisée "Veronica Mars" -- dont l’épisode 14, saison 1, fait précisément intervenir ce motif rythmique.)
Andrew Toovey, compositeur britannique né en 1962 et spécialisé dans les remixs d’œuvres célèbres du patrimoine savant, propose avec son concerto "Out!" pour deux pianos (créé en 1994) une façon assez jubilatoire de superposer des fragments parmi les plus incontournables du répertoire pianistique.
Le procédé est facile et l’orchestration volontiers simpliste (la seule originalité, vite éventée, réside dans l’omniprésence d’une batterie de rock), mais le résultat s’avère pétillant et amusant.
https://youtu.be/qrm6Ms-tD8g
https://youtu.be/i9U7fiKQzIg
https://youtu.be/kHvZEgE404o
Jack Benny (1894 - 1974) était un comique américain, doublé d’un excellent violoniste. Au long de sa très longue carrière (sur scène, à la radio puis à la télévision), le violon est devenu pour lui un motif de gag récurrent, seul ou en duo. Au-delà de l’art comique pratiqué de longue date par les clowns, il préfigure une forme d’humour aujourd’hui largement pratiquée en France.
https://www.youtube.com/watch?v=pmPgNzHZUpY
https://www.youtube.com/watch?v=Q3cc0HlO7so
https://www.youtube.com/watch?v=seZ4KhYr-Hw
https://www.youtube.com/watch?v=_EofKXc-EOo
https://www.youtube.com/watch?v=DdQa-TaQvPs
https://www.youtube.com/watch?v=gfy_i0fi2gU
Toujours signalé par Martin Granger, cet autre "fad" actuel à partir des vidéos musicales sur YouTube : enlevez le son, et reconstituez-le, mais sans musique. Les bruitages prennent évidemment une place prédominante, mais ce qui frappe sans doute le plus est l’absence de la piste musicale qui donne son sens originel à la vidéo. De cette absence naît un sens nouveau : un numéro de danse devient ainsi une étrange pantomine possédée, et ainsi de suite.
Quelques exemples au hasard :
https://www.youtube.com/watch?v=om8kt8gi93Q
https://www.youtube.com/watch?v=hbKh0Y_QCrc
https://www.youtube.com/watch?v=u3wx60nKkt4
https://www.youtube.com/watch?v=5Jd9AmepgdM
https://www.youtube.com/watch?v=fRqCVcSWbDc
Dans un style un peu différent :
https://www.youtube.com/watch?v=2ArMS3MSQwc
Martin Granger nous signale cette mode récente sur YouTube : prenez une vidéo musicale, remplacez le son (avec une attention toute particulière pour les bruitages) et débrouillez-vous pour que les chanteurs et instrumentistes présentés à l’écran n’apparaissent pas, comment dire, au sommet de leur art.
Quelques exemples en vrac :
Les concerts de rock sont une cible de choix :
Le jazz n’y échappe pas :
- voici un shred très subtil et progressif
- un autre
Et la musique savante non plus :
- concerto pour cor de Mozart
- un hilarant shred de Glenn Gould, avec une grande attention portée aux mouvements des doigts sur le clavier
Cet article de la défunte revue universitaire Labyrinthe examine les lieux de convergence et de rencontre entre l’analyse littéraire et le domaine musical.
Ce tableau reprend la description des différentes tonalités (majeures et mineures) selon quatre théoriciens différents du XVIIIe siècle : Charpentier, Rameau, Mattheson et Schubart.
On peut lui adjoindre cet autre tableau dû à Kirnberger et portant, cette fois, sur les intervalles :
http://www.musebaroque.fr/MB_Archive/Documents/intervalles.htm
Au-delà de la part d’arbitraire (inévitable et quelque peu ridicule) attachée à cette symbolique, rappelons que s’agissant d’un tempérament encore largement inégal (et qui plus est, non encore standardisé), les différences d’un pays à l’autre (voire d’une région à l’autre) étaient à cette époque bien réelles et tout à fait perceptibles.
Au siècle suivant, quelques petits-maîtres tels Gevaert et Lavignac s’essaieront à établir leur propre nomenclature des tonalités et des instruments :
https://en.wikipedia.org/wiki/Albert_Lavignac
La Marseillaise demeure un objet musical intrigant. D’une qualité indiscutablement médiocre à tous points de vue (mélodique, harmonique, rythmique, poétique), il a pourtant frappé les esprit et assis sur les républiques françaises une domination rarement ébranlée -- écrasant sans difficulté les contestations abondantes et souvent étayées quant à sa paternité.
En 1863, le directeur du conservatoire de Bruxelles Édouard Fétis (fils du théoricien François-Joseph Fétis), annonce de façon tonitruante que la Marseillaise serait en fait l’œuvre d’un obscur musicien nommé Julien l’ainé, dit Navoigille. Tempête dans la presse ; le neveu de Rouget de Lisle contre-attaque notamment, l’année suivante, par une longue lettre publiée dans la revue «l’Intermédiaire des chercheurs et curieux» ou il fait le point, de façon détaillée, sur les nombreuses questions que soulèvent la paternité de la Marseillaise (en particulier sa mise en musique) ; s’il parvient, sans surprise, à la conclusion que son oncle est bien le seul auteur du chant de guerre, la longue liste de pièces à charge qu’il énumère n’en est pas moins troublante.
L’affaire ira jusque devant les tribunaux, quand soudain, fin novembre 1864, Fétis se rétracte et Rouget de Lisle se désiste. Sa lettre sera reprise (suivie d’une postface et de la rétractation de Fétis) dans «Le Ménestrel» quelques mois plus tard, que l’on peut consulter sur Gallica et en translittération automatisée.
Début 1865, deuxième coup de théâtre : Fétis revient à la charge avec une nouvelle hypothèse. Il adresse à la Société des antiquaires de Morinie, une communication selon laquelle ce serait en fait le maître de chapelle de l’église de Saint-Omer, un certain Jean-Baptiste-Lucien Grisons, qui aurait écrit dans un oratorio intitulé Esther l’air de la Marseillaise, bien avant la Révolution. (Cette missive est introuvable sur Gallica, mais dûment numérisée par Google et disponible en ligne grâce aux bibliothécaires américains.)
Mais… la moindre partition de cet oratorio semble introuvable ! Les antiquaires picards vont même jusqu’à procéder à des fouilles ; un manuscrit finit par surgir mais son authenticité est discutée ; Rouget de Lisle menace à nouveau d’un procès, et l’affaire finira par s’enliser dans des batailles d’avocats. Ce n’est qu’en 1886 qu’un certain Arthur Loth, ayant eu accès au manuscrit en question, y consacrera tout un ouvrage Le chant de la Marseillaise, son véritable auteur, passé relativement inaperçu de même que sa réédition en 1992 par son arrière-petit-fils sous le titre La Marseillaise : enquête sur son véritable auteur.
Il faut dire que les circonstances mêmes de l’apparition de la Marseillaise restent relativement floues, puisque Rouget de Lisle (l’oncle) lui-même ne signa pas tout de suite son air. On trouve même dans un journal de l’époque (La Chronique de Paris du 27 août 1792, malheureusement indisponible sur Gallica ou Internet Archive) :
Les paroles sont de M. Rougez, capitaine du génie, en garnison à Huningue. L’air a été composé par Allemand pour l’armée de Biron.
Au-delà même des questions de paternité, celle de la première édition imprimée de la Marseillaise est également soulevée. L’on peut ainsi noter l’apparition précoce d’une édition illustrée par le caricaturiste britannique Richard Newton, artiste engagé (qui prendra notamment position en faveur de l’abolition de l’esclavage). Cette édition publiée en Grande-Bretagne pourrait bien être la toute première publication imprimée de la Marseillaise, avant même son apparition en France ; c’est en tout cas la thèse avancée dans un article de 1955 signé par un conservateur du British Museum.
Ce dernier article n’est accessible en ligne, quoiqu’uniquement au prix d’un contournement de la censure imposée par le régime de notre actuelle République Populaire de France. C’est donc à plus d’un titre que la Marseillaise n’en finit pas de révéler, depuis plus de deux siècles, les innombrables trahisons de l’idéal républicain.