On signale, ce samedi 18 février 2017, la mort du batteur américain Clyde Stubblefield (né en 1943), qui s’était notamment illustré en accompagnant James Brown dans plusieurs chansons qui sont devenues des succès considérables. L’une d’entre elles, Funky Drummer (1970), est notable pour un "solo" de batterie dont a été extrait un échantillon (sample) qui a servi de boucle d’accompagnement à plus d’un millier de chansons ultérieures.
Le site «Who Sampled» établit une liste intéressante des pistes les plus "samplées" à ce jour, dans laquelle figurent en bonne place non seulement Funky Drummer mais aussi d’autres chansons de James Brown (avec d’autres batteurs) : Funky President et Think (About It). Pour autant, elles n’égalent pas la popularité de la piste Amen, Brother, parue en 1969 et dont un sample de six secondes a été utilisé à près de 2500 occasions (répertoriées), comme l’évoque un documentaire fort intéressant datant de 2004.
Se pencher sur ces quelques boucles est, dans un premier temps, absolument fascinant (car l’on se rend soudain compte que de vagues motifs aujourd’hui omniprésents dans notre inconscient, à l’état de clichés aseptisés, ne sont que les maigres bribes de pistes à l’origine conçues et exécutées avec soin et inventivité)… puis très rapidement, assez répugnant (car l’on se rend soudain compte que les maigres bribes de pistes à l’origine conçues et exécutées avec soin et inventivité, ne sont plus aujourd’hui que de vagues motifs omniprésents dans notre inconscient, à l’état de clichés aseptisés).
Le «Amen break», ainsi qu’il est désigné désormais, avait été enregistré par un autre batteur de la même génération, Greg Coleman (1944-2006). Tout comme Stubblefield, il n’a pas bénéficié du succès de son enregistrement car il faisait partie des innombrables cohortes de «session musicians», humble soutiers taillables et corvéables à merci et inéligibles au droit d’auteur ou d’interprète. Stubblefield aussi bien que Coleman seront morts dans la pauvreté et l’anonymat (et même, pour ce dernier, à la rue), cependant que leurs boucles rythmiques, depuis les années 1980, nourrissent copieusement l’imaginaire sonore collectif — et les producteurs de musique de consommation, variété, rap, accompagnements de films et de réclames, dans la plus parfaite ingratitude. (Ce qui serait déjà choquant en soi, si lesdits industriels ne s’engraissaient précisément pas grâce à un régime comiquement intitulé "droit d’auteur".)
Avec Stubblefield disparaît aujourd’hui l’un des derniers témoins d’une époque où les musiques à succès étaient encore fabriquées à la main — et à la baguette.