Traduire les gestes musicaux par des gestes corporels relève de l’évidence, comme le montrent danseurs et chefs d’orchestre. Plus rares sont les langages qui font correspondre un geste rigoureux à une hauteur précise ; l’exemple le plus répandu (particulièrement dans les pays anglo-saxons) est probablement celui inventé par John Curwen (1816-1880) au milieu du XIXe siècle, et perfectionné par Kodály Zoltán (1882-1967) au XXe siècle.
(On notera qu’en "tonic sol-fa", la gamme est le plus souvent présentée dans l’ordre descendant, contrairement à nos habitudes de "do ré mi fa sol" ou "C D E F G" en anglais et allemand.)
Véritable tarte à la crème de l’enseignement musical en Amérique du Nord, cette codification gestuelle apparaît notamment dans le film Rencontres du troisième type que nous évoquions récemment.
Un autre exemple, moins connu quoique légèrement antérieur, est celui du langage Solrésol imaginé par Jean-François Sudre dans les années 1830 (langage sur lequel nous serons amenés à revenir plus amplement), pour lequel Sudre avait également imaginé une codification par gestes.
À la fois moyen de communication à distance («téléphonie») et langue universelle destinée à la compréhension mutuelle du genre humain (incluant, on le voit, les personnes atteintes de surdité), le Solrésol est pensé par Sudre moins comme traduction d’éléments musicaux que comme une langue à part entière, dotée de son lexique et de sa grammaire.
Enfin, la plupart des activités "musicales" accessibles à des publics sourds et malentendants, s’appuie sur le rythme ou sur les paroles (traduites en langue des signes, principalement ASL ou LSF) ; une façon originale et efficace de combiner les deux composantes (verbale et rythmique) se trouve tout naturellement dans les musiques de type rap ou slam. YouTube en fournit de nombreux exemples (qui échapperont peut-être, espérons-le, à la censure des robots ContentID sous prétexte de copyright).