Début 2015, dix ans après son ouverture, le nom de domaine ourapo.net a disparu du Web sans (presque) laisser de trace. Heureusement, la page vers laquelle il renvoyait demeure, elle, toujours accessible : il s’agit en fait d’un «audioblog» hébergé par Arte Radio (où officie son co-fondateur Thomas Baumgartner).
OuRaPo, c’est l’Ouvroir de Radiophonie Potentielle (à ne pas confondre avec l’OuTraPo, ayant trait à la Tragicomédie), regroupement de quelques expériences sonores effectuées entre 2004 et 2009, qui explorent cette zone grise ouverte par les expérimentations de la musique concrète dans la deuxième moitié du XXe siècle, de Pierre Henry (né en 1927) à Revolution 9 des Beatles (1968).
La proximité historique et l’adéquation stylistique des Oulipiens envers le médium radiophonique n’est plus à démontrer, comme en témoignent de (trop) rares archives incluses dans la playlist de l’Ourapo, notamment une brève piste enregistrée par Luc Étienne dans les années 1970 (à confronter avec ses autres travaux en la matière).
Les travaux expérimentaux les plus frappants restent sans doute ceux de Georges Perec (volontiers rebaptisé Play-Rec par l’Ourapo) à partir de la fin des années 1960, notamment pour la radio allemande puis française, et que nous avons nous-même tenté de recenser.
La nécessité d’un OuRaPo semble donc relever de l’évidence, et il faut souhaiter que son activité reprenne un jour prochain sous une forme ou une autre. Pendant ce temps, l’OuSonmupo (Ouvroir du Sonore et du Musical Potentiels) a fêté ses huit ans ; on est cependant sans nouvelles de l’OuSoPo (Ouvroir de Sonorités Potentielles) animé de 2005 à 2011 en marge du festival brestois «Longueur d’ondes». Le site de l’OuSoPo reste, toutefois, accessible à l’heure actuelle :
http://ousopo.org/
En juillet 2009, l’artiste contemporain américano-norvégien Cory Arcangel entreprend de reconstituer les «3 Klavierstücke» op. 11 d’Arnold Schönberg, dans leur version enregistrée par Glenn Gould, en n’utilisant que des extraits de vidéos postées sur le site YouTube, où des chats jouent du piano.
Coïncidence significative, cette initiative est datée de la même époque, à quelques semaines près, que le célèbre "Catcerto" de Mindaugas Piečaitis : voir http://oumupo.org/trouvailles/?GSGs0Q
Sur son site, l’auteur présente non seulement la liste des 170 vidéos qui ont constitué son matériau de départ, mais également le code source constituant la "partition" de son montage, ainsi qu’un nombre impressionnant d’autres vidéos et sites Web constitutifs du courant culturel dans lequel il s’inscrit : YouTube, chats, copier/coller, culture du remix...
Le statut juridique de cette vidéo -- particulièrement dans les pays européens où la protection dite "fair use" est inopérante -- soulève des questions intéressantes et montre la totale inadéquation entre les textes juridiques (encore) en vigueur et les pratiques culturelles actuelles.
- La partition de Schönberg elle-même, publiée en 1909, est dans le domaine public dans de larges parties du monde, mais pas en France, raison pour laquelle nous nous devons de vous interdire formellement de cliquer sur le lien suivant : http://imslp.org/wiki/3_Pieces,_Op.11_%28Schoenberg,_Arnold%29
- L’enregistrement de Glenn Gould, paru en 1959, est entré dans le domaine public dans certains pays mais reste "protégé" un peu partout ; en Union Européenne, une directive inique d’extension du copyright (parue en 2011 et d’application rétroactive) a précisément pour but de confisquer les enregistrements publiés dans les années 1950-60. Certes, la vidéo reconstituée par des chats n’inclut pas directement l’œuvre de Gould, mais il pourrait être argué de ce que la durée et l’intensité de chaque note, ici reproduites le plus fidèlement possible, constituent l’expression de la personnalité de l’interprète et sont donc "protégées".
- Les vidéos de chats utilisées par Cory Arcangel pour son montage, comportent chacune leur droit d’auteur ; si le droit anglo-saxon fournit quelques exceptions en matière de "fair use" et de "sampling", il n’en est rien en droit français et l’auteur aurait donc été contraint de demander (éventuellement moyennant paiement) l’autorisation contractuelle de chacun des auteurs des 170 fragments utilisés.
- Au-delà de toute question juridique légitime ou non, le fait d’héberger son montage sur YouTube n’est pas sans danger quant à la pérennité de son œuvre : il suffirait aux robots d’identification de contenu "protégé" (ContentID et autres) de repérer un fragment indûment copié, pour que la vidéo soit immédiatement censurée et mise hors-circulation, sans réel recours possible.
Andrew Toovey, compositeur britannique né en 1962 et spécialisé dans les remixs d’œuvres célèbres du patrimoine savant, propose avec son concerto "Out!" pour deux pianos (créé en 1994) une façon assez jubilatoire de superposer des fragments parmi les plus incontournables du répertoire pianistique.
Le procédé est facile et l’orchestration volontiers simpliste (la seule originalité, vite éventée, réside dans l’omniprésence d’une batterie de rock), mais le résultat s’avère pétillant et amusant.
https://youtu.be/qrm6Ms-tD8g
https://youtu.be/i9U7fiKQzIg
https://youtu.be/kHvZEgE404o